Déjouer un diagnostic grâce à sa persévérance
Profondément passionnée par la vie et le dépassement de soi, Nathalie Bertrand a tout un parcours. Diagnostiqué dyslexique à cinq ans, en 1970, il n’y avait personne qui croyait en ses capacités d’atteindre un cinquième secondaire. À cette époque, la dyslexie était encore méconnue, même par les professionnels de la santé. Certains avaient mentionné à ses parents qu’elle allait avoir besoin d’un bon mari. Incroyable! Une tout autre réalité qui n’est pourtant pas si loin.
Après avoir surmonté de nombreux défis, elle réussira à faire tomber tous ces pronostiques en décrochant son diplôme de cinquième secondaire. Alors qu’elle croyait être heureuse en atteignant son objectif, elle affrontera le pire moment de sa vie. Découvrez à travers son histoire et son parcours scolaire, le profond désir de Nathalie à vouloir se dépasser.
Le début du début de mes défis
Dans la vie, je ne me suis jamais demandé ce que j’allais faire comme profession. Il faut dire que j’ai su à cinq ans que j’étais dyslexique. À cette époque, peu de personnes comprenaient réellement cette condition particulière. Les médecins et psychologues avaient dit à mes parents que je ne pourrais pas atteindre mon cinquième secondaire et qu’il valait mieux me trouver un bon mari. Cette prédiction de mon futur fut imprégnée dans ma tête pendant de nombreuses années.
Lorsque j’ai commencé à fréquenter l’école, je pleurais souvent la nuit parce que j’avais beaucoup de difficulté à vivre dans le monde scolaire. Je n’arrivais pas à retenir le tiers des informations qu’on me donnait. Cette situation était extrêmement difficile à accepter pour moi, petite fille.
J’avais énormément de difficulté à retenir les informations comme les tables de multiplication et division ainsi que les temps de verbes. Encore aujourd’hui, je n’arrive pas à retenir ces informations.
Lors de mes exercices de mathématiques, pour faire un simple calcul comme quatre multiplié par cinq, je devais dessiner quatre petits paquets de cinq points chacun puis les compter un par un. Tu imagines le temps et l’énergie que ça me prenait pour faire un examen!
J’ai fait six écoles primaires durant ma jeunesse. À ma première année, après avoir déjà changé d’école une première fois, lorsqu’ils ont su que j’étais dyslexique, ils n’ont pas voulu me reprendre l’année suivante. Il faut dire que je les comprends un peu puisque j’avais obtenu 37% de moyenne globale durant mon année. Je n’avais absolument rien compris. Mes parents ont réussi à trouver un centre d’intégration scolaire qui recevait des enfants comme moi. Finalement, il s’agissait plutôt d’un centre de recherche où ils nous étudiaient. Les chercheurs tentaient de mieux comprendre notre comportement. Pendant cette période, je n’ai donc pas appris à lire, à écrire, ni à compter. Ils nous faisaient davantage faire des exercices physiques et de logique. En résumé, je n’ai rien appris pendant mes trois années dans cet établissement.
Mon désir d’apprendre, plus fort que tout!
Quand ma sœur a commencé l’école, j’ai vu qu’elle avait des travaux à faire à la maison et pas moi. Donc, j’ai demandé à mes parents d’avoir des devoirs. Mes parents ont décidé de me changer à nouveau d’école en classe de réinsertion scolaire. J’avais deux ans de retard. Je suis retourné en deuxième année alors que j’aurais dû être en quatrième année. Vous imaginez les regards des autres enfants sur moi! J’étais la nounoune de la classe. J’essayais de me faire la plus discrète possible. Pendant un seul été, j’ai appris à lire, à écrire et les bases du calcul. J’ai approfondi mes connaissances parce que j’avais développé mes propres méthodes et outils pour comprendre et surtout retenir l’information.
En réalisant que c’était possible pour moi de fréquenter et réussir à l’école, mes parents ont décidé de me transférer à l’école juste en face de la maison familiale. J’y suis resté pour ma troisième et quatrième année. Les professeurs de cet endroit étaient particulièrement intimidants. Pas les élèves, les enseignants! Pour eux, j’étais la nounoune paresseuse qui ne faisait aucun effort pour comprendre les notions qu’ils nous enseignaient.
En fait, il n’y avait personne pour leur expliquer que j’étais dyslexique et surtout ce que ça impliquait. Pour eux, j’avais seulement doublé mes années une après l’autre. Ce fut une période difficile.
Pour ma cinquième et sixième année, mes parents m’ont inscrit au pensionnat à Joliette. Et là, une professeure de cinquième année m’a fait aimer l’école! Je me souviendrai toujours de son nom : Pierrette Parent. Elle était patiente et elle me laissait du temps pour réaliser mes travaux. Elle ne m’a jamais jugé et elle m’encourageait. Puis j’ai réussi à passer ma sixième année à cet endroit.
Aller au secondaire… pour déjouer le diagnostic
Mes parents m’ont inscrit à l’école privée secondaire Régina où j’ai été accepté. À ce moment, je ne savais toujours pas ce que j’allais faire comme profession dans la vie. Mon seul objectif était d’obtenir mon diplôme secondaire pour contredire le diagnostic que j’avais reçu plus jeune. Depuis le début, j’avais en tête de prouver qu’être dyslexique ne m’empêcherait pas d’obtenir mon diplôme.
J’étais studieuse. J’avais emmagasiné des trucs et je travaillais très fort pour retenir l’information qu’on m’enseignait. En troisième secondaire, j’avais seize ans. Normalement, on est en cinquième secondaire à seize ans. Mes parents se disputaient tout le temps. Mon père était alcoolique.
J’ai commencé à consommer de la marijuana parce que ça me détendait. Une amie qui était venue étudier chez moi a lu mon journal intime dans lequel se retrouvaient toutes mes aventures amoureuses et de consommation. Elle l’a certainement dit à ses parents puisque la journée suivante, la direction de l’école a appelé mon père l’informant que je n’avais plus le droit d’aller à cette école. J’ai dû récupérer mes effets durant le jour pendant que tout le monde était en classe sans pouvoir leur dire au revoir. Il est important de se rappeler qu’à cette époque, Internet et les réseaux sociaux n’existaient pas. Donc, j’ai dû couper contact avec tout le monde du jour au lendemain.
Cet événement m’a plongé dans une dépression sévère. Être dyslexique et être dépressive sont deux états très proches l’un de l’autre. Je suis rapidement tombé dans un pattern et d’étiquette de fille « facile ». Rappelons-nous qu’à ce moment, j’ai dans la tête que je n’ai pas le choix de me trouver un mari parce que je ne réussirai pas mes études ni ma vie autrement.
Une première victoire, mais à quel prix?
Je retourne au secondaire dans une école privée où je termine mon troisième secondaire, quatrième et finalement mon cinquième secondaire. Je n’ai même pas célébré ma réussite. Il n’y avait pas de bal de finissants à cette école. Mes parents se séparaient à ce moment-là. Personne ne m’a félicité. Je croyais être heureuse en atteignant mon objectif, mais finalement je ne l’étais pas du tout. Tout le monde avait toujours voulu que je réussisse mes études, mais je n’en voyais même pas l’intérêt moi-même.
Cette période extrêmement sombre de ma vie m’a amené à planifier mon suicide. La douleur profonde vécue quotidiennement due à être dyslexique pesait très lourd. Je n’avais jamais partagé ce que je vivais et ce que je ressentais. J’étais sans protection contre moi-même. Malgré cette douleur, il y avait toujours une petite pensée dans ma tête, une force insoupçonnée en moi qui me disait de continuer à vivre.
Je me souviens de mon chat qui n’arrêtait pas de miauler et de gratter derrière la porte. Je l’ai finalement fait rentrer et je me suis dit : qui va s’occuper de mon chat quand je ne serai plus là? C’est fou, mais aujourd’hui je réalise qu’à ce moment, j’avais plus de considérations pour mon chat que pour tout autre être humain autour de moi.
En voyant mon chat, je me suis fait vomir et je suis allé me coucher en me disant que je ne me réveillerais peut-être pas. Le lendemain, quand ma mère a vu que je ne me réveillais pas, elle m’a brassée puis amenée à l’hôpital. Les médecins l’ont informé de la situation puis elle a vite compris que j’avais essayé de m’enlever la vie. Elle aussi vivait des moments difficiles à cause de sa séparation avec mon père. Cette histoire est restée entre elle et moi. On s’est soutenu et nous avons travaillé ensemble. Je venais de me trouver une alliée pour vaincre ma douleur.
Aujourd’hui, ça va bien!
Même si à ce moment je ne réalisais pas encore que de nombreux défis m’attendaient au Cégep et sur le marché du travail, j’avais pris la décision de vivre ma vie et d’affronter les situations difficile lorsqu’elles se présenteraient. Être dyslexique, c’est pour toujours!
Je suis une fille de nature positive et optimiste. Ma grande période de dépression a été causé par le fait que mon entourage me retournait une image d’échec et de déception constante. Lorsque j’en ai pris conscience, je n’ai plus jamais eu honte de moi. Heureusement aujourd’hui, je ne ressens plus de tristesse ni de détresse. Lorsque je me sens moins positive ou lorsque je passe une période plus difficile, je fais du sport. Bien sûr, j’en parle à mon entourage mais surtout, j’écris dans mon journal et je fais du sport.
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Merci Nathalie pour ton témoignage extrêmement touchant. Tu as toute mon admiration pour avoir fait face et vaincu cette grande douleur que tu as portée pendant toutes ces années. Quelle remarquable persévérance dont tu as fait preuve! Félicitations!
Merci Andréanne! Je suis extrêmement touché de lire mes mots dans ton écriture. J’espère que mon histoire inspirera les autres dyslexiques à parler. La dyslexie est un handicap invisible et méconnu. Il nous rend plus fort mais souvent aussi très vulnérable. Merci pour ta grande écoute et ton humanité.
Pour découvrir la suite du parcours atypique de Nathalie, le développement de sa carrière, ses péripéties et les défis qu’elle a relevés une fois sur le marché du travail, en étant dyslexique et encore plus, c’est dans cet article!
Retrouve ses conseils pour mieux comprendre les éléments perturbateurs provenant de nos émotions et ainsi réussir à prendre de meilleures décisions relativement à notre carrière dans cette entrevue.
À bientôt!
Andréanne
Auteure : Andréanne Leduc, CPA, CA
Engagée à promouvoir des opportunités de développement personnel et professionnel.
Article composé à partir d’une entrevue téléphonique effectuée avec Nathalie Bertrand.
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